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In tricot veritas
3 janvier 2005

Au gui l'an neuf !

D'où vient cettre tradition des embrassades sous le gui suspendu au plafond ? Et qui porterait bonheur ? De la nuit des temps et des celtes.

 

Botanique

 

 

Le gui a la particularité de ne pas toucher terre. Il faut lever la tête pour l'apercevoir dans certains arbres fruitiers comme les pommiers, mais aussi au faîte des peupliers, des aubépines, des sapins, des hêtres et bien sûr mais beaucoup plus rarement des chênes. Cette plante considérée comme un véritable fléau est le plus souvent véhiculée par les oiseaux, notamment les grives et les fauvettes à béret qui, après digestion, répandent les graines d'arbres en arbres. Dès que la témpérature atteint une dizaine de degrés, la graine germe et la plante se dévelope grâce à une sorte de suçoir qui traverse l'écorce pour "aspirer" la sève dont le gui se nourrit. Après plusieurs années de développement, il a l'apparence d'une grosse boule vert jaunâtre de 60 à 90 cm de diamètre qui croît dans toutes les directions, facilement repérable, surtout après la chute des feuilles car, première caractéristique, il est sempervirent.

 

 

Autre caractéristique, c'est un parasite ou plus exactement un hémiparasite car le gui produit sa chlorophylle et ses propres sucres. Ses fruits sont ronds, blancs et visqueux, d'où son nom latin Viscum album. On lui a très vite attribué des pouvoirs magiques du fait qu'il semblait flotter en l'air et qu'il fleurissait en plein hiver, alors que la nature est assoupie.

 

Le gui chez les celtes

 

Une légende nordique veut que Balder, le fils d'Odin et de Frigg, ait été tué avec une flèche taillée dans une branche de gui par Loki.

 

 

Balder avait tout pour lui, et sa mère avait exigé de tous les éléments de la nature le serment qu'ils ne fassent jamais de mal à son fils, sauf d'une touffe de gui, dans un coin du Walhalla, qui lui avait semblé trop jeune pour lui faire la même demande. Loki, jaloux de Balder, se déguisa en femme et réussit à soutirer cette information de Frigg. Après la mort de Balder, Odin maudit la plante, mais les larmes de son épouse, tombées dessus, se transformèrent en petites baies blanches comme des perles.

 

 

Odin bannit le gui des temples et le remplaça par le houx, buisson sur lequel Balder était tombé, transpercé par la flèche de son ennemi. Et pour récompenser cette plante, Odin la fit demeurer verte toute l'année et la couvrit de baies rouges, en mémoire du sang de son fils bien-aimé, Balder.

 

 

Le gui est pour les Celtes une plante sacrée tombée du ciel et déposée par intervention divine par le dieu Taranis, dieu de la foudre et du tonnerre :

 

 

Mais elle n'est sacrée que si elle est rattachée au chêne rouvre, arbre sacré, et elle l'est d'autant plus qu'elle parasite rarement le chêne. Les druides voyaient dans ses feuilles toujours vertes le symbole de la pérennité de la vie et celui du printemps proche. On lui attribuait des pouvoirs miraculeux, guérison de maladies, protection contre les mauvais sorts ; le gui était donc un remède universel.

 

On cueillait le gui en hiver à l'époque de sa floraison, seul symbole de vie au milieu d'une nature morte et stérile. Lorsque la plante sacrée était découverte, sa cueillette devait obéir à des règles strictes, le sixième jour de la lune, lorsqu'elle est montante, avec sacrifice, banquet au pied de l'arbre où les divinités sont conviées à partager avec les prêtres les chairs des bêtes sacrifiées. Cette fête est décrite par Pline l'Ancien, dans son Histoire naturelle, au livre XVI, où il aborde la question de la glu que l'on tire des baies du gui blanc poussant sur les chênes, déjà utilisée pour la capture des oiseaux : Les druides - c'est le nom qu'ils donnent à leurs mages - n'ont rien de plus sacré que le gui et l'arbre qui le porte [...] et [...] ils n'accomplissent aucune cérémonie religieuse sans son feuillage. [...] C'est un fait qu'ils regardent tout ce qui pousse sur cet arbre comme envoyé du ciel. [...] On trouve très rarement du gui et, quand on en a découvert, on le cueille en grande pompe religieuse. [...] Ils l'appellent dans leur langue "celui qui guérit tout". Ils préparent au pied de l'arbre un sacrifice et un festin religieux et amènent deux taureaux blancs dont les cornes sont liées pour la première fois. Un prêtre, vêtu de blanc, monte dans l'arbre, coupe le gui avec une serpe d'or et le reçoit sur un sayon blanc. Ils immolent ensuite les victimes. [...] Ils croient que le gui, pris en boisson, donne la fécondité à tout animal stérile, qu'il est un remède contre tous les poisons.

 

 

Le gui tombait dans un linge blanc qui ne touchait pas le sol pour qu'il puisse garder son pouvoir magique, puis deux taureaux blancs, animaux sacrés chez les celtes, qui ne devaient jamais avoir servi aux champs, étaient attachés ensemble par les cornes, décorées du gui avant d'être immolés.

 

Bien qu'on n'ait jamais retrouvé de serpe d'or… il faut imaginer le druide grimpant dans le chêne en se prenant les pieds dans sa robe, en équilibre sur une branche, la serpe brandie dans une main, l'autre attrapant la plante sacrée et s'exclamant en montrant le gui à la foule O Ghel an Heu en celte, ce qui veut dire… que le blé lève, pour montrer que la nature revivait. Et ce qui a donné au Moyen-Age… au gui l'an neuf !

 

La fête du Samain

 

Cette cérémonie marquait la fin d'une année et le début de la suivante, soit la fin de la saison claire et le début de la saison sombre (les celtes n'avait que deux saisons dans leur année). Elle avait lieu le premier novembre et n'appartenait en fait ni à l'année qui commençait, ni à celle qui se terminait ; située ainsi en dehors du temps, elle était le moment des relations entre les hommes et l'autre monde, et était en fait la fête des morts. Et c'est au cours de cette fête que le gui était cueilli.

 

Le premier novembre, ça vous rappelle quelque chose ? Cette  fête fut abandonnée en France (mais remplacée au IXème siècle par la Toussaint qui n'est pas la fête des morts, le 2 novembre chez nous), mais survécut en Irlande, d'où des émigrés apportèrent cette tradition aux Etats-Unis au XIXème siècle qui la récupérèrent pour en faire une fête nationale le … 31 octobre sous le vocable d'Halloween.

 

 

Le Samain était le Nouvel an des celtes, la fin d'une époque en attendant la renaissance de la vie à Yule, le solstice d'hiver. Les celtes éteignaient alors les feux de leur foyer pour aller se rassembler autour d'un autre dehors. Les Druides étouffaient alors ce feu puis le faisaient renaître en frottant des branches de chêne (arbre sacré) ; chaque membre recevait une braise pour rallumer le foyer de la maison. Les druides brûlaient aussi le gui en hommage aux divinités, et en distribuaient aux assistants qui le suspendaient à leur cou, ou à l'entrée de leur maison en guise de protection... Il était rituel de s'embrasser sous le gui pour être protégé et quand deux ennemis se rencontraient sous le gui, ils devaient déposer leurs armes.

 

 

Après les celtes

 

En Bretagne, réminiscence du O Ghel an Heu, les enfants allaient encore au XIXème siècle frapper aux portes des maisons bourgeoises en criant "le blé germe" pour recevoir des étrennes…

 

Une boule de gui suspendue au plafond marquait l'esprit traditionnel de bienveillance et de protection, et les baisers ont continué de s'échanger sous le gui pour s'accorder bonheur et prospérité. Il est même promesse de mariage pour les couples d'amoureux. En France, cette coutume ne se pratique qu'à minuit, le 31 décembre, mais il faut savoir que les vœux secrets doivent se sceller en cueillant un fruit. Et plus de fruits, plus de bises !

 

Pierre Lieutaghi rapporte dans son livre sur les plantes compagnes que le gui est associé aux liaisons dangereuses, et que le gui de chêne porté en amulette devait permettre de passer sans encombres des angoisses du divan aux félicités du lit !

 

A votre avis, c'est de la cervoise champenoise qu'il prépare là pour fêter le Samain ? Quand on sait que le sanglier, animal sacré des celtes était de toutes les tables (voir les albums d'Astérix) et que le sanglier est un symbole des Ardennes…

 

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Commentaires
M
Encore une fois merci pour toutes ces connaissances , particulièrement le gui chez les celtes.
N
me fait toujours penser à nos exodes en France, au mois de Décembre, un an sur deux. Pas d'autoroutes à l'époque, nous mettions toute la journée pour aller à Tarbes depuis Barcelone, en passant par Carcassonne, Foix, Saint-Girons, Montréjeau, Lannemezan, Capvern... Et nous regardions les yeux ronds ces grosses boules vertes qui poussaient sur les arbres...notre maman nous expliquait que c'était du gui, et nous imaginions les oiseaux en trait de ch... les petites graines en visant bien les branches pour que du nouveau gui puisse à nouveau y pousser!<br /> En te lisant, je suis retombée en enfance! Merci Christine!
K
Je ne savais pas que le gui poussait uniquement dans les arbres (en fait je ne savais pas grand-chose au sujet de cette plante!). Merci pour cet exposé très clair et instructif! J'aime la façon dont tu présentes les choses et les liens que tu fais. Bravo!
L
enfin....une explication rationnnelle....et toute une histoire.....merci de me "culturer" une fois de plus chère Christine....bonne année.
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