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In tricot veritas
20 mars 2005

Dahu par-ci, dahu par-là

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La saga du dahu continue. Cet animal qui alimente l'imaginaire car jamais vu malgré quelques légendes, quelques fortes hypothèses à partir de témoignages du passé et de restes trouvés, suscite de nombreuses vocations pour le chasser.

La chasse au dahu, généralités

Le dahu est un animal très convoité, en raison essentiellement de la difficulté à le saisir, liée à son espièglerie et à son parfait camouflage. Il se chasse en général en groupe, et pour capturer l’animal, il faut s’armer de beaucoup de patience, et attendre des jours à l’affût dans un buisson :

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Lorsque la bête s’approche, retiens ton souffle, calme les battements de ton cœur, et laisse-le dépasser le buisson : toute tentative de capture prématurée s’avérerait vaine, car il est malin. Lorsqu’il s’éloigne, il suffit de le siffler pour que, piégé par sa curiosité légendaire, il se retourne et chute :

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Il suffit alors au chasseur d'être en bonne position avec un grand sac pour le cueillir tel un fruit mûr :

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Il existe une variété particulièrement prisée en Savoie ainsi qu'en Autriche : le (beau) dahu bleu (Dahutus montanus var ceruleus), qui se chasse à peu près de la même manière. Aller pour assister en direct à cette chasse inhumaine qui conduit à la perte d'équilibre et à la chute de l'animal ; vous pourrez également y écouter le cri poignant du dahu qu'un chasseur a miraculeusement pu enregistrer cette nuit-là.

Chasser le dahu en Mongolie par Marie-Hélène, du Savoie Libérée (quotidien régional)

2_tibet_gAprès les grands succès internationaux de Tintin au Tibet et Martine à la montagne, 1_martinevoici Marie-Hélène en Mongolie. Comme annoncé dans notre précédente édition, notre envoyée spéciale a réalisé une enquête sur la chasse au dahu en Mongolie. Nous saluons l'extrême courage de cette journaliste qui a affronté, seule, la rigueur du climat mongol pendant plusieurs jours, pour nous ramener ce reportage de qualité, ces images d'une beauté à couper le souffle et son témoignage sur la présence d'espèces animales inconnues jusque-là, dont on peut supposer qu'il pourrait s'agir de variétés de dahu encore non répertoriées (Dahutus montanus incognitus sp).

4 mars, M. (Gers, France), 0h42 pm : "… ça me donne envie d'avaler laine et aiguilles et d'aller chasser le dahu en solitaire au fond de la Mongolie…" Voilà la phrase qui a tout déclenché, et que je n'aurais jamais dû prononcer !

4 mars, M. (Gers, France), 2h19 pm : le rédac'chef me demande de partir dans les steppes asiatiques par le premier vol. Je laisse tout tomber,

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prépare mes valises, mon appareil photo, ma doudoune, mon dictionnaire mongol/français et la carte du pays :

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5 mars, Ulaanbaatar (Oulan Bator, Mongolie), aéroport 5h53 am : -18°, ça réveille ! Je dois préparer ma mission, trouver un moyen de locomotion, étudier la carte et l'itinéraire. Le plus difficile ici, ça va être la langue, car ils ne parlent ni le gersois ni le normand. Et moi, le mongol et le kazakh, à part bonjour… Je pense me diriger vers les Monts Kanghaï à l'ouest du pays, hautes montagnes de 3 500/4 000 mètres d'altitude où des explorateurs ont décrit des animaux qui pourraient bien être des dahus lors d'une mission scientifique en 2003.

6 mars, Arbaï-Khere, 6h02 pm : j'ai quitté Oulan Bator hier, encore en plaine, avec une superbe monture et les cheveux au vent :

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Les paysages sont immenses, magnifiques, splendides, et je ne regrette pas un moment d'être là. En cours de route, j'ai croisé des villageois plutôt exubérants,

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mais je n'ai pas bien compris ce qu'ils me disaient malgré mon dictionnaire ; j'ai surtout noté que je ne croisais pas grand monde, la Mongolie ayant la densité de population la plus faible du monde (1,6 habitant au km²). Moi qui aime bien parler… Les autochtones sont extrêmement sympathiques et vous convient très facilement sous leurs yourtes, à partager une petite collation :

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A droite sur la photo, je ne pense pas qu'il s'agisse d'un dahu, encore que… Le thé salé au lait, la boisson de base, est préparé sur le fourneau alimenté par de la bouse séchée (dans le seau de gauche), le bois étant rare et cher,

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et accompagne des produits faits maison : beignets, crème de lait bouilli, fromage (qui sèche sur un fil au plafond de la yourte), airak ou alcool de lait. Le fromage, en masse ou en vermicelle comme on le voit ci-dessous, est extrêmement dur…

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cheval1Je ne suis pas restée très longtemps, le thé salé, c'est très curieux, et les odeurs de bouse mêlées à celles du fromage qui sèche sont très particulières… De plus, j'avais encore de la route à faire. Je me suis équipée un peu mieux pour ma chasse, car le dahu étant très espiègle, je me suis dit que seule face à lui, je n'aurai peut-être pas le dernier mot ?

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Arrivée le soir-même à Arbaï-Khere, je prends un peu de repos, les vraies aventures commençant le lendemain (c'est le moment de chanter "I'am a poor lonesome cow boy, and a long way from home", non ?).

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7 mars, Baian Khongor, 3 700 mètres d'altitude, 9h am : je ne rigole plus, il fait - 50 et je suis perdue !

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La neige est partout, la réverbération risque de me gêner pour apercevoir un dahu. Des paysages splendides, immenses, avec personne à l'horizon ni le matin,

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ni le soir :

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11_ger_in_mongolia8 mars, Ouliassoutaï, 4 031 mètres d'altitude, 7h04 am : voici mon camp de base, et je me sens quand-même un peu seule dans tout cet univers blanc ! D'accord le paysage est très beau, on peut marcher en faisant du bruit avec ses talons sans déranger les voisins du dessous et chanter à tue-tête sous la douche sans gêner les mêmes voisins et ceux d'à-côté (sauf que je n'ai pas vu de douche depuis mon arrivée, et que la bouse séchée et le lait salé imprègnent "grave"), mais le silence est pesant (les dahus, s'il y en a, sont plutôt discrets) et le froid me congèle à l'intérieur. Mes pauvres neurones (qui a dit que je n'en avais qu'un ?) fonctionnent au ralenti, vont-ils repérer l'animal que je suis venue chasser ? Eh bien oui ! J'ai trouvé 3 spécimens absolument fantastiques, c'est mon boss qui va être content :

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9 mars, Tsetserleg, 9h27 pm : j'ai déniché un petit hôtel où je rassemble mes notes. Au cours de ma descente d'Ouliassoutaï vers Tsetserleg, j'ai rencontré d'autres animaux, ceux-là vivant en groupe. Ne sachant les reconnaître, donc en déduisant que je ne les connaissais pas, je les ai shootés, pensant qu'il pourrait bien s'agir de variétés de dahus vivant en troupeau ?

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Demain, je retourne à Oulan Bator pour classer mes notes avant de quitter ce pays

11 mars, Katmandou, 11h03 pm : j'ai l'impression de tourner en rond. Je n'ai rien vu en Mongolie qui ressemble à la description du dahu telle qu'on me l'a contée. N'étant pas très loin, et au point où j'en étais, j'ai donc fait un tour sur les hauts plateaux de l'Himalaya. Encore de la neige, encore du froid. Ici, le thé est au beurre rance de yack, ça change délicieusement ! Ah, mon thé au jasmin me semble bien loin… et ils chauffent aussi avec des bouses séchées, c'est une manie ! Mes investigations ne m'ont permis de prendre que cet animal étrange, sans doute un dahu blanc (Dahutus montanus albus) dont les pattes enfoncées dans la neige ne m'ont pas permis de voir lesquelles étaient les plus courtes pour savoir s'il s'agissait d'un dahu levogyre ou dextrogyre :

kili_neige4c

Mon enquête sur ces sommets s'est très vite terminée, car dans ce désert blanc, j'ai rencontré une bête étrange, sans doute un dahu géant (Dahutus montanus ietissimus), qui m'a fortement impressionnée comme on peut le voir ici :

yeti

On ne rit pas, merci.

14 mars, M. (Gers), 6h41 pm : de retour au pays, enfin ! J'ai eu tellement froid, que j'ai fait un crochet en Afrique pour aller chasser le dahu sur le Kilimandjaro, autre point culminant du globe, situé en Tanzanie et pas du tout au Kenya. Je ramène encore des clichés de quadru- ou bipèdes que je ne connaissais pas, certaine qu'il pourrait s'agir de variétés africaines du dahu. Un à poil ras avec de grandes oreilles,

gros_dahu

un autre en couple,

kilimandjaro

et celui-là, particulièrement étrange car muni d'extensions sur les pattes antérieures, sans doute une évolution particulière pour une meilleure adaptation au biotope africain (il est très fortement probable qu'il s'agisse d'un dahu avec les deux pattes de devant plus courtes, et que ces extensions lui permettent d'avoir toutes les pattes de même longueur) :

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Quant à celui-ci, il allait trop vite pour prendre un meilleur cliché !jaguard1

Mongolie, Himalaya et tricot

Bon, malgré les apparences, leur dahu, je n'y croyais pas trop… A défaut de certitude quant à son existence, et surtout à celle du Dahu laineux (Dahutus montanus lanosum),

17_dahu_lanosum

goatchairj'en ai profité pour m'intéresser aux chèvres du Cachemire et de l'Himalaya.

Le cachemire est une des matières premières les plus appréciées de l'industrie textile, car très chaude, très légère et au toucher soyeux. La fibre est produite par peignage de la toison d'une chèvre domestique Capra hircus :

1_capra_hircus

L’élevage de la chèvre cachemire s’étend aujourd'hui de l’Asie centrale, au Moyen Orient, à l’Australie et à l’Ecosse ; 53% de la production mondiale (11 000 tonnes/an) est réalisée en Chine et 24% en Mongolie (cachemire "Mongolia" produit par les chèvres Capra hircus blythi vivant sur les extrêmes contreforts de la chaîne montagneuse de Gobi où la température atteint des valeurs extrêmes). La toison de la chèvre cachemire se compose de deux types différents de fibres : le poil fin, court et doux (en fait, un duvet) qui constitue le sous-poil, et la jarre grosse, longue et rugueuse, qui ont des structures très différentes.

2_fleece

On n'utilise que le poil, ayant un diamètre moyen inférieur à 30 microns dans l’industrie textile, qui se récolte en avril-mai, période de la tonte ; le travail est difficile, car après avoir coupé les poils de la chèvre, il faut la peigner pour récupérer le sous-poil (surtout sur le ventre), débarasser cette "laine" des gros poils restants, puis trier les fibres en fonction de la couleur et de leur qualité. La fibre est ensuite filée pour être utilisée dans le tissage ou le tricot :

4_cashmereyarn

Une chèvre donne entre 115 et 170 g de cachemire ; il faut entre 10 et 20 chèvres pour faire un pull, ce qui contribue aussi à la cherté de cette fibre.

5_tchang_ra1Le pashmina est une fibre plus fine, plus douce, et encore plus chère que le cachemire ! Pashmina vient de "pashm", ancien mot perse qui signifie "extrêmement fin". Ce sont encore des chèvres qui donnent ce matériau, mais des chèvres vivant sur les hauts plateaux himalayens (chèvres Tchang-ra) à plus de 4 500 mètres d'altitude où règne une température minimale de -30° C en hiver : leurs conditions de vie leur ont permis de développer ce sous-poil extrêmement fin à propriétés isolantes remarquables. Des études ont montré qu'à des altitudes moindres (et des températures donc moins basses), les chèvres produisaient moins de fibres de cette finesse et de ce toucher. La fibre pashmina a été découverte par les Moghols dès le XIIème siècle. Chaque animal donne environ 90 grammes de fibre pashmina par an, et on considère que le tissage d'un  châle pashmina nécessite la production de trois chèvres.

Côté tricot

Lavoisier a deux manches, et Berlingot progresse (2 manches et un dos de finis). Mais surtout, c'est le châle aux cœurs qui est fini et que j'ai envie de montrer. Pendu à mes rideaux, à 7 heures du matin pour ne pas avoir le soleil, la couleur n'y est pas du tout :

1_ch_le_18_mars

ici, oui :

2__ch_le_18bis

Il est adapté du modèle féroïen déjà réalisé par certaines ou en cours chez d'autres, j'ai simplement supprimé la bande centrale et les bandes de point mousse intercalées entre chaque motif, donc la forme enveloppante caractéristique de ces châles est restée, car les augmentations qui la créent sont dans les premiers rangs du motif cœur.

3_ch_le_18_pointIci, le motif est pris de plus près et montre les diminutions centrales qui une fois se font sur la gauche une fois sur la droite, une fois en jersey endroit, une fois en mousse ; je ne comprends pas ce que cela apporte au lieu d'une double diminution centrale qui ferait une ligne continue de mailles jersey au centre des cœurs à la place de cette ligne "fouillis" mais je ne suis pas experte en dentelle pour pouvoir comprendre. Il est possible que le point mousse diminue la hauteur du tricot à cet endroit (un rang de jersey = 1,45 rang de point mousse, "en gros"), mais il suffirait de glisser cette maille centrale sur les rangs envers pour avoir le même résultat tout en ayant une ligne continue. J'essaierai. En cliquant sur la photo, on voit mieux les deux fils associés, l'Aurore de Phildar et mon fil rayonne parfaitement identiques en couleur.francophonie_transp

Aujourd'hui, dimanche 20 mars, c'était la journée de la francophonie, et j'aime de plus en plus la façon qu'à Google d'illustrer tous ces petits et grands évènements :

A bientôt, vale, Christine

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Commentaires
G
Elle fascine cette bestiole, ein ?<br /> C'est un garde-chasse, un vrai, qui m'en a parlé pour la première fois, dans la forêt de Rambouillet. Etrangement, j'étais passée à côté des histoires de dahus jusqu'alors - je suis pourtant née aux pieds des Alpes. Mais la "tradition" ne me satisfaisait pas, j'ai donc mis en ligne ma propre version et j'adore me livrer à d'impitoyables controverses avec les "conservateurs".<br /> Bonne chasse,<br /> G@ttoGiallo
D
J'ai chassé le dahut quand j'étais scout et je ne l'ai jamais trouvé ;-)))
C
Le reportage de ta correspondante est très intéressant et j'aime beaucoup le travail de photo qui l'accompagne !<br /> Ton châle est absolument somptueux, cette couleur est splendide !
K
waouh ton chale est magnifique je suis bleuffée par tant de beauté j'adore il est vraiment sublime félicitation
U
Que de souvenirs, le thé salé, les fromages durs et granuleux, l'alcool de lait, zéro dahu!<br /> <br /> Dis donc, mais à quoi tu carbures, Christine, pour nous pondre sans relâche ces longues tirades si bien documentées et si délicieusement allumées? Je devrais sniffer de la laine à dentelle féringienne plus souvent; pourvu que ça me réussisse aussi bien qu'à toi!
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