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In tricot veritas
16 août 2005

Ici commence le court bonheur de ma vie...

...Je me levais avec le soleil, j'étais heureux ; je me promenais et j'étais heureux, je voyais Maman et j'étais heureux, je la quittais et j'étais heureux, je parcourais les bois, les coteaux, j'errais dans les vallons, je lisais, j'étais oisif, je travaillais au jardin, je cueillais les fruits, j'aidais au ménage, et le bonheur me suivait partout ; il n'était dans aucune chose assignable, il était tout en moi-même, il ne pouvait me quitter un seul instant. (Jean-Jacques Rousseau, Confessions, livre VI)

Après plus d'une semaine d'un épisode infectieux qui m'a tenue la plupart du temps au fond de mon lit, j'émerge enfin... J'ai peu tricoté bien sûr, mais j'aurai quand-même quelques photos à montrer. Merci pour vos commentaires nombreux sur la visite de Chambéry (c'est fou ce que écrire pour les autres permet d'apprendre d'ailleurs, je connaissais mal ma ville) ; trop long pour le traiter la dernière fois, je ne pouvais occulter Jean-Jacques Rousseau, figure locale importante, pas savoyard mais qui a beaucoup séjourné dans le pays. Donc aujourd'hui, petit tour aux Charmettes !

03Jean-Jacques Rousseau naît en 1712 à Genève, au 40 Grand-Rue qui abrite aujourd'hui l'espace Rousseau. Orphelin de mère dès sa naissance, il connaîtra très vite l'errance : son père, un horloger qui l'initiera très tôt aux oeuvres littéraires et à la musique, l'abandonne à son beau-frère à l'âge de 11 ans qui le confie à un pasteur à quelques kilomètres de Genève. Il revient à Genève vers 13 ans où il devient apprenti chez un greffier puis chez un graveur.

Trouvant les portes de la ville fermées au retour d'une promenade, le voilà qui s'enfuit et se réfugie chez un curé "accueillant". L'époque est encore lourde de l'atmosphère de la Contre-Réforme, et la guerre entre calvinistes genevois et catholiques savoyards est de mise. Ce brave curé, plein de bonnes intentions, l'envoie illico chez Madame de Warens à Annecy : son destin est bouclé.

warMadame de Warens, Louise Eléonore (1699-1762) est une vaudoise de Vevey ; elle plaque son mari, sa famille et son pays vers 1725, traverse le lac (Léman) pour se jeter aux pieds du roi Victor-Amédée venu séjourner à Evian (Victor-Amédée est roi de Sardaigne, titre porté à l'époque par les souverains des Etats de Savoie), qui lui donne une pension et l'envoie à Annecy se convertir et aider à la propagation du catholicisme.

Jean-Jacques Roussseau arrive donc à 16 ans à Annecy et s'attend à rencontrer une vieille dévote. Raté. De treize ans son aînée, voici la description de sa rencontre qu'il en fait dans les Confessions (livre II) : je vis un visage pétri de grâces, de grands yeux bleus pleins de douceur, un teint éblouissant, le contour d'une gorge enchanteresse... Sûr qu'une religion prêchée par de tels missionnaires ne pouvait manquer de mener en paradis. Il n'a pas les yeux dans sa poche le jeune Jean-Jacques, et remarque déjà le décolleté...

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Contrairement à la gravure ci-dessus, Madame de Warens est une grosse dodue ! Elle envoie son protégé à Turin se convertir au catholicisme. Il en revient en 1729, s'installe chez sa bienfaitrice qui s'efforce de compléter son éducation, et devient plus ou moins son secrétaire. De Vevey, Madame de Warens a emmené dans ses bagages deux domestiques, dont Claude Anet, qui lui sert d'intendant et l'aide à herboriser et à fabriquer des médecines (elle se pique à préparer des tisanes). Claude Anet sert aussi à chauffer son lit, car sans être un tempérament, c'est une femme qui a et aura de nombreuses aventures.

En 1731, les voilà tous les trois à Chambéry dans une maison sombre qui donne sur les murs, relativement insalubre puisque Rousseau la décrit avec peu d'air, peu de jour, peu d'espace, des grillons, des rats, des planches pourries (Confessions, livre V). Il rentre au cadastre de la ville, mais en démissionne rapidement pour se tourner vers la musique et donner des cours aux jeunes filles de la bonne société. La mère de l'une d'entre elle le trouve à son goût et le lui manifeste avec tant d'ostentation que Madame de Warens, craignant pour la vertu de son "petit" décide de le traiter en homme en 1732 (il a 20 ans, elle en a 33) : J'étais comme si j'avais commis un inceste, écrira-t-il plus tard.

Claude Anet fait la tête bien sûr. Ce ménage à trois va éclater avec le suicide raté de l'intendant en 1732 ou 33, puis sans doute une deuxième tentative réussie en 1734.

Pour s'échapper de temps à autre de leur maison sombre, le couple loue dès 1735 une maison dans un vallon boisé au sud de Chambéry, à 20 mn à pied du centre ville : les Charmettes, classée Monument historique.

Les Charmettes

Le premier jour que nous allâmes coucher aux Charmettes, Maman était en chaise à porteurs, et je la suivais à pied. Le chemin monte : elle était assez pesante, et craignant de trop fatiguer ses porteurs, elle voulut descendre à peu près à moitié chemin pour faire le reste à pied (Confessions, livre VI).

Le site a gardé son aspect champêtre, et s'il est important, c'est que c'est à cet endroit que Rousseau fut en accord avec lui-même et surtout devint lui-même comme il le dit dans ses Confessions : Ici commence le court bonheur de ma vie ; ici viennent les paisibles, mais rapides moments qui m'ont donné le droit de dire que j'ai vécu. Moments précieux et si regrettés...

L'accès de la route à la maison, avec un petit oratoire
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La maison des Charmettes de face
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Chambres de Madame de Warens et de Jean-Jacques Rousseau
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Les papiers peints sont d'origine (comme dans la chambre de Madame de Warens) - pardon pour le flou, j'étais malade !
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En été ont lieu les Soirées Rousseau, visites spectacle des lieux en costume du XVIIIème siècle.

Le décor est simple, les vaches ici ne regardent pas passer les trains, mais Rousseau...
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Sur le perron de la villa, vue sur Chambéry en contrebas
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Rousseau se promène beaucoup et emprunte régulièrement ce chemin qui longe la villa et le jardin :

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Madame de Warens continue d'herboriser et Rousseau s'y met aussi. Un petit jardin botanique est créé dominant la ville et face au Nivolet, "la" montagne de Chambéry (le petit chemin sous tonnelle est en contrebas à droite) :

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Rousseau passera quelques années dans ces lieux où il lira beaucoup, et apprendra de façon boulimique (musique, arithmétique, géométrie, histoire, géographie, astronomie, physique, chimie). C'est un autodidacte, qui ne commencera son oeuvre réellement qu'après 40 ans, et les Charmettes où il forme sa sensibilité, son goût pour la nature et son sentiment religieux, occuperont une place centrale dans celle-ci (Confessions et Rêveries du promeneur solitaire).

Mais tout a une fin : au retour d'un séjour à Montpellier où il va se faire soigner (1738), la place d'intendant est prise par un autre jeune homme. L'idylle est terminée. Mais il continue de séjourner aux Charmettes et de se cultiver, les quittant pour de brèves escapades, avant d'en partir d'finitivement pour Paris en 1742.

Après les Charmettes

Rousseau fréquentera beaucoup de monde, mais il a tendance à se fâcher facilement avec ses amis. Il écrit aussi beaucoup, ses écrits irritent et le conduisent souvent à déménager voire à s'exiler !

Quelques-unes de ses oeuvres

  • 1742 : met au point un nouveau système de notation musicale pour lequel il reçoit une récompense de l'Académie des Sciences en 1742
  • 1743 : Les Muses Galantes, opéra-ballet
  • 1748 : collabore à l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert
  • 1752 : Le Devin du Village, opéra
  • 1758 : termine la Nouvelle Héloïse (publiée en 1761)
  • 1762 : publication du Contrat Social et de l'Emile (ou de l'Education)
  • 1764 puis 1769 : rédaction des Confessions (publiées après sa mort en 1782)
  • 1776-1778 : rédaction des Rêveries du Promeneur solitaire, juste avant son décès. Dans la dernière Promenade, la dixième, il rend hommage à Madame de Warens : Aidé de ses leçons et de son exemple, je sus donner à mon âme encore simple et neuve la forme qui lui convenait davantage et qu'elle a gardé toujours. Le goût de la solitude et de la contemplation naquit dans mon cœur avec les sentiments expansifs et tendres fait pour être son aliment. Le tumulte et le bruit les resserrent et les étouffent, le calme et la paix les raniment et les exaltent. J'avais besoin de me recueillir pour aimer. Une maison isolée au penchant d'un vallon fut notre asile, et c'est là que dans l'espace de quatre ou cinq ans j'ai joui d'un siècle de vie.

Sur le plan personnel

  • 1745 : aventure avec Thérèse Levasseur, la lingère de l'hôtel où il séjourne. Aventure qui se prolonge et se termine par un mariage en 1768. Aventure qui s'écrira avec 5 enfants, tous abandonnés !
  • 1754 : Rousseau réintègre l'Eglise de Genève et retrouve ses droits de citoyen suisse
  • 1778 : mort à Ermenonville près de Paris
  • 1794 : transfert de ses cendres au Panthéon

Merci Luisa !

Qui a pris le temps de chercher des informations sur la dentelle des Açores, la dentelle "pita" dont j'avais parlé récemment. Cette dentelle réalisée en fil d'agave, de l'épaisseur d'un fil à coudre, est ou plutôt était car il semblerait qu'on n'en fasse plus, une spécialité de l'île de Faial. Elle s'est même rendue dans une boutique consacrée à l'artisanat des Açores à Lisbonne pour en savoir plus : la personne rencontrée se souvenait bien de ces articles tricotés sur 5 aiguilles (napperons), mais que cela faisait des années qu'elle n'en recevait plus. Les traditions se perdent... Merci encore Luisa pour ta collaboration.

Il paraît que le Musée du textile du Smithsonian a une mantille en fibre d'agave. Impossible de la trouver, je n'ai même pas trouvé LE musée du textile ! Je vous laisse l'adresse si vous avez envie de chercher.

Quant aux aiguilles à tricoter à bout crocheté qui ne se vendent plus d'ailleurs, Luisa m'apprend que les portugais les appellent "aiguilles tunisiennes". On peut en acheter par jeu de cinq chez Lacis (taper "knitting needle"). On tricote avec comme avec d'autres aiguilles, et le bout crocheté sert uniquement à attraper la laine à travers la maille de l'aiguille gauche (pour les droitières).

Néanmoins, j'ai trouvé que la fibre d'agave (mais quelle espèce ?) est utilisée depuis des siècles en broderie en Slovénie et qu'une autre espèce d'agave est tricotée en Equateur pour en faire des sacs. Le sisal, dont le nom varie en fonction de son origine, est également une fibre tirée de différentes espèces d'agave, et est utilisée depuis longtemps à la confection de cordes et de tapis.

J'ai quand-même tricoté...

Le châle "intégrale de FBS" ou LBS ou Feuillage est terminé :

lbs_8081

La couleur est assez proche (gel, Fine kid d'Anny Blatt) ; j'ai simplement rajouté deux mailles au motif du FBS, et gardé la bordure finale à laquelle on rajoute deux rangs et qu'on adapte pour la répétition du motif. Rien de bien compliqué, donc.

Détail du point en contrejour
lbs_point

Mossbank a démarré et je retrouve avec plaisir les fils shetland. Le fond ne comporte que deux couleurs, un noir naturel et Rosewood, un bleu tweedé très particulier : avec des pointes de bleu tirant vers le turquoise foncé, le mordoré et le rouge sombre, il fait parfaitement chanter les couleurs du motif. Et une fois tricoté, il est plus gris bleu que bleu. Curieux ces laines, on a toujours des surprises !

mssb1   mssb2

mssb_808

Les couleurs sont magnifiques, car cela fait un dessin assez lumineux, mais on reste dans la tonalité sourde. Par contre, surprise : le motif, petit et très géométrique n'est pas aussi facile que ça à mémoriser ! Ou alors c'est moi... 

J'ai aussi cédé à l'énvie que j'avais depuis un moment de tricoter ma Diva tomate. J'ai choisi de refaire le modèle aux coeurs qui me semble bien adapté pour cette couleur. Mais j'avoue que je suis un peu flemmarde en ce moment pour imaginer un autre modèle...

Je vous souhaite à toutes une excellente semaine, à bientôt, vale,

Christine

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Commentaires
S
coucou Christine, c'est toujours aussi agréable un peu de culture pendant les vacances surtout quand on ne part pas!!!celà nous fait voyager un peu!!!j'adore ton châle, vraiment, c'est très léger, aérien et va être très agréable à porter!! bravo à toi!! en ce moment je ne tricote pas beaucoup, je retravaille dès lundi et celà va me changer la vie!! donc j'ai profité du temps qu'il me restait pour faire un peu d'ordre chez moi!!!<br /> je te souhaite une bonne soirée, et au plaisir de lire de nouvelles histoires si bien racontées, c'est sympa!! amicalement, sylvie 68
M
une dentelle de merveille, un jacquard en finesse et une maison des charmettes de rêve... merci pour tout ce beau décor !
G
Je te remercie pour cette agréable visite. Je ne suis pas avec une personne qui est passionnée par ce style de vacances. Je débute un livre de poche qui est bien agréable et qui me redonne l'envie de lire. Prompt rétablissement et toute mon amitié. Il fait trés gris et le soleil est rare.<br /> Bonne semaine et à bientôt.<br /> Trés sincèrement.
C
Charmante ballade sur les pas de J-J Rousseau ! Merci !<br /> Ton FBS adapté est superbe et j'aime beaucoup ta présentation ! Quant à Mossbank, ses coloris sont magnifiques et je suis sûre qu'il va grandir très vite !<br /> J'espère que tu te rétabliras bien vite, courage !
D
Relire des passages de Rousseau m'a projetée des années en arrière à l'époque du bac de Français, merci pour cet intermède littéraire (Le siècle des Lumières est une de mes époques favorites).<br /> J'espère que tu es rétablie, ton tricot t'attend !!!<br /> Mossbank est éclatant, à chaque fois que je vois un FI, je n'en reviens pas tant les couleurs sont belles.<br /> FBS est sans cesse renouvelé avec toutes les versions qui existent, la tienne est superbe.<br /> Bon rétablissement
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