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In tricot veritas
9 janvier 2006

Les Rois Mages sont des bohémiens !

cop1Aujourd'hui, l'Epiphanie, c'est ça :

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avec le plus jeune, le plus innocent (le plus bête ?) qui se cache les yeux pour désigner le destinataire de la part qui vient d'être coupée
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Autrefois, c'était une belle légende

Mais les Rois Mages n'étaient pas trois, ni rois, ni magiciens...

Apparaissant dans un seul des Evangiles canoniques, ils auraient été prêtres zoroastriens (mages), et seraient quand-même venus d'Orient, accompagnés d'anges et guidés par une étoile jusqu'à une grotte :

Anges suivant les rois mages (Gustave Moreau 1826-1898)
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rm11Ils deviennent rois grâce à Tertullien (~160-après 220) et passent à trois grâce à Origène (~185-254). C'est au VIIème siècle qu'ils sont baptisés : Melchior, Gaspard et Balthazar, puis au XVème qu'ils changent de couleur : Melchior est blanc, Gaspard jaune et Balthazar noir. Ils symboliseront trois continents (Europe, Asie et Afrique) ou les trois âges de la vie, mais ils ont toujours apporté de l'or (symbole de royauté), de l'encens (symbole de divinité) et de la myrrhe (parfum, mais symbole de mort car elle servait aux embaumeurs).

L'histoire dit qu'après avoir donné leurs présents, ils s'en retournèrent chez eux. Mais en réalité, il semblerait qu'ils fassent partie des "gens du voyage" car on les a vus à différentes époques et sous différents cieux. La preuve :

  • VIème siècle à Ravenne, basilique Sant'Apollinare Nuovo (mosaïque),
  • XIIIème siècle à Chartres, cathédrale (vitraux),
  • XIVème siècle à Padoue, église de l'Arena (fresque de Giotto),
  • époque médiévale à La Hague (enluminures numérisées à la Bibliothèque Nationale de Hollande),
  • XVème siècle (huile de Botticelli, collection privée),
  • XVIème siècle à Florence (huile de Dürer, musée des Offices),
  • XVIIème à Washington (gravure de Goltzius), à San Francisco (peinture du même artiste hollandais) et à Anvers (huile de Rubens),
  • XVIIIème à Londres (dessin attribué à Highmore, au Tate),
  • XIXème siècle à Minneapolis (huile de Tissot),

et dans la deuxième moitié du XXème siècle :

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Et au début du XXème siècle ?

On les retrouve à Montmartre, menant une vie de bohème ! Suivant la comète de Halley (comme du temps de Giotto), ils arrivent en mai 1910 dans la capitale :

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rm10bis2Et voilà que l'étoile s'arrête au dessus de la butte Montmartre, point culminant de Paris à 130 m, qui a échappé aux inondations de janvier. Les chameaux sont crevés, mais comme il n'y a pas de roue de secours, ils trouvent encore un peu de courage pour gagner Montmartre et sa basilique (la basilique du Sacré-Coeur ne date que de 1875, son clocher abrite la plus grosse cloche de France, la Savoyarde, 19 tonnes, mais je jure que ce n'est pas moi !).

Accompagnés par les anges comme on l'a vu plus haut, et même s'ils en ont vu au cours de leurs pérégrinations, ils sont surpris de voir à quel point les chérubins sont différents à Montmartre : plus massifs et dotés de deux paires d'ailes...

Les moulins de Montmartre (Utrillo, 1949)
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Dans leurs valises, l'or, l'encens et la myrrhe, mais pas un radis dans leur poche comme la plupart des artistes qui feront l'histoire de Montmartre, et qui vivaient là une vie de bohème.

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La mire de Montmartre existe, je l'ai rencontrée...

Ereintés, ils s'arrêtent là, guidés par une voie intérieure (prédestination ?) :

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(avec l'autorisation de paris1900lartnouveau
à visiter impérativement !)

Se mêlant aux artistes fauchés, ils vont mener une vie de patachon pendant quelques années, fréquentant assidûment les cabarets montmartrois et le fameux Bal du moulin de la Galette :

Le bal du moulin de la Galette (Renoir 1876, Musée d'Orsay)
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1 : Gaspard ; 2 : Melchior ; 3 : Balthazar

Chansonniers à leurs heures, ils s'essayent aussi aux pinceaux :

Le moulin de la Galette par Gaspard, Melchior et Balthazar (de G à D)
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(Van Gogh, Van Gogh et Utrillo)

Malgré tous leurs efforts, artistes maudits sans doute, ils se feront souvent rouler dans la farine et ne réussiront pas à faire leur blé, ni leur beurre, ingrédients indispensables pour avoir de la galette ; ils finiront par quitter Montmartre, reprenant la route comme les gens du voyage et les Roms, destination XXème siècle qui verra la naissance d'autres galettes (disque vinyle, CD-Rom... Quand je vous dis qu'ils sont prédestinés !).

Un peu d'histoire et d'anecdotes

Sous l'occupation romaine, la Butte Montmartre était surmontée de temples dédiés à Mars et à Mercure, mais l'étymologie retenue et préférée à celle de mons martis et mons mercurii est celle de mons martyrum, puisque Saint Denis et ses compagnons y furent martyrisés. Au VIème siècle, on mentionne un hameau au sommet de la butte, mais la commune de Montmartre n'est créée qu'en 1790 (avec moins de 400 habitants), et ne fut annexée à Paris qu'en 1860.

Montmartre devient dès le XIXème siècle le lieu de l'insouciance, du plaisir et de la joie de vivre, où les artistes mènent une vie décontractée, et où les bourgeois, les aristocrates et les demi-mondaines s'encanaillent suite à la profusion de cabarets et de cafés.

Les artistes

Dès 1820, Montmartre attire les artistes qui viennent s'y installer dans une ambiance bohème. On y rencontrera Géricault, Renoir, Van Gogh, Steinlen, Juan Gris, Modigliani, Corot, Pissaro, Utrillo, Poulbot, Picasso, Braque, Buffet, Toulouse-Lautrec pour les peintres, mais aussi des écrivains (Apollinaire, Dorgelès, Mac Orlan, Max Jacob...) et des chansonniers (Aristide Bruant...). Au début du XXème siècle, les peintres (sans le sou) logent dans une baraque, le Bateau-Lavoir, aménagée en ateliers, et il est fréquent qu'ils changent d'adresse... dès qu'ils ne peuvent plus payer leur loyer !

C'est à Montmartre que certains mouvements picturaux naissent comme le cubisme dont les Demoiselles d'Avignon en sont un bel exemple. C'est aussi à Montmartre que Jean-Baptiste Clément, fils de meunier, compose le "Temps des cerises".

mgneig2_autorLes moulins

Dès le XIIIème siècle, la butte est couronnée de nombreux moulins à vent et au XVIIIème, il y en a au moins 30 ; il servent à moudre le blé, presser les vendanges et concasser des matériaux. Les moulins de Montmartre sont aussi un lieu de promenade pour les parisiens : on y mange, on y boit, on y danse... bien des occasions pour jeter son bonnet par dessus les moulins !

Aujourd'hui, seuls subsistent le Blute-Fin, construit en 1621 sans doute à la place d'un moulin qui datait du XIIIème siècle, et le Radet. Le Blute-Fin fut transformé en cabaret dans les années 1830 et prit le nom de moulin de la Galette, nom du petit pain de seigle que servaient les meuniers avec un verre de lait.

Le Moulin Rouge est un music-hall inauguré en 1889, et rendu célèbre par les affiches de Toulouse-Lautrec et le French-cancan.

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Les vignes

A la fin du XVème siècle, les Abbesses (les Dames de Montmartre), ruinées, vendent leurs terres qui seront plantées de vignes. En 1576, on décide de diminuer le nombre de tavernes dans Paris, et la population franchit les enceintes de la capitale pour aller boire ailleurs, ceci expliquant que guinguettes et cabarets se multiplient au cours du temps à Montmartre. Il y avait de nombreux vignobles sur la Butte, mais l'annexion à Paris les a fait disparaître, à l'exception d'une vigne produisant le "Clos de Montmartre", dont la vendange est une fête traditionnelle chaque année.

Les cabarets

On court au Chat Noir, immortalisé par les affiches de Steinlen, pour écouter le chansonnier Aristide Bruant ou regarder le théâtre d'ombres dessiné par Caran d'Ache.

cnstein1 cn18921

Le Lapin agile, seul survivant des cabarets de Montmartre, s'appelle d'abord Au rendez-vous des voleurs, puis le Cabaret des assassins. Le plat de prédilection est du lapin sauté dans une casserole, qui servira de modèle au dessinateur A(ndré) Gill pour réaliser son enseigne en 1880, date à laquelle le Cabaret des assassins change de nom.

lapinag_autor1

molEt le tricot dans tout ça ?

Ton moulin va trop vite, ton moulin va trop fort dit la chanson, mais chez moi, il va doucement...

J'ai fait une écharpe au moint mousse... si ! Pour aller avec le bonnet de la dernière fois et j'ai repris Mossbank dont la deuxième manche est entamée maintenant :

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btl2bJe n'aurai jamais autant traîné sur un Fair isle et il me tarde de le finir ! A vous aussi, non btl21? Toujours les mêmes photos...

Mais quand je l'aurai fini, j'aurai une petite pensée pour les Rois Mages, les moulins de Montmartre et ses cabarets, en m'offrant un bon Bordeaux ou alors un Balthazar (à gauche sur la photo, 16 litres quand-même)...

Avant de fermer (enfin !), je veux vous remercier encore pour tous les commentaires que vous avez faits la dernière fois au sujet de Mrs Beeton (qui a pris la grosse tête depuis...) et du temps que vous passez à lire mes posts !

A bientôt, vale,

Christine (PS : si vous voulez relire la tradition de la galette et de sa fève...)

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Commentaires
S
un p'tit verre de Balthazar, ça me dit bien!! et s'il t'en reste : un bout de galette!!miam!miam!!!bises
H
Après cette lecture, je reprendrai bien un p'tit bout d'galette moi ! Pis j'voudrais bien avoir la fève !
S
Maintenant que je sais qu'il existe un Margaux si bien nommé, plus rien ne me retient de devenir alcoolique (oups pardon - oenophile!)<br /> Mossbank bientôt fini... je regrette de ne pas voir les couleurs en vrai!!
A
Je le savais que les Rois Mage sn'étaient pas si sages qu'ils en avaient l'air... Mais Montmartre, quand meme !!!
C
Où vas-tu chercher ton inspiration, celle qui te donne le déclic pour nous concocter des textes aussi intéressants en partant d'une galette ! Tu es une mine d'informations !<br /> Quant au tricot, je me réjouis de voir Mossbank terminé, c'est sûr, mais j'apprécie aussi de voir tout ce que tu fais entre-deux !!!
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